LLMs.txt : ce fichier qui pourrait changer le futur de l’IA

Fichier LLMs.txt : un moyen de contôler l'IA

Alors que l’intelligence artificielle continue de bouleverser les usages du web, une initiative venue d’Australie pourrait bien rebattre les cartes. Son nom ? Le fichier LLMs.txt.

Proposé par Jeremy Howard, chercheur en deep learning et co-fondateur du laboratoire de recherche fast.ai, ce fichier vise à redonner aux éditeurs de sites un contrôle sur l’accès de leurs contenus par les modèles d’IA. Un enjeu de taille, tant pour des questions de propriété intellectuelle que pour l’équilibre économique du web.

Mais concrètement, que permet ce fichier ? Et peut-on espérer une adoption massive par les acteurs du référencement dans les mois à venir ?

LLMs.txt : une nouvelle arme pour reprendre le contrôle face aux IA ?

Le fichier LLMs.txt est un fichier markdown conçu pour faciliter la communication entre un site web et les grands modèles de langage, ou large language models (LLM). Son objectif ? Présenter les informations clés du site dans un format structuré et facilement lisible par l’intelligence artificielle.

Placée à la racine du site, cette ressource agit en quelque sorte comme un filtre d’accès, en spécifiant clairement les pages pouvant ou non être explorées par une IA.

En cela, le fichier LLMs.txt s’inspire directement du fonctionnement du fichier robots.txt, qui régule l’accès des moteurs de recherche classiques depuis les années 1990. Mais contrairement à ce dernier, LLMs.txt ne s’adresse pas aux crawlers traditionnels. Il vise spécifiquement les crawlers IA utilisés pour entraîner les modèles linguistiques (Common Crawl, LAION, etc.).

Pourquoi le fichier LLMs.text est-il pertinent ?

Les LLM ne traitent pas l’information exactement de la même manière que le cerveau humain :

      • D’une part, la vitesse d’apprentissage d’un LLM est sans commune mesure avec celle de l’Homme
      • D’autre part, les LLM préfèrent les informations structurées et concises.

Si les modèles de langage actuels s’appuient directement sur l’analyse de contenus web pour s’améliorer, ils se heurtent à une contrainte technique : leur capacité de traitement reste limitée. Malgré les progrès effectués, il reste difficile pour un large model language de transformer une page HTML — encombrée de menus, de publicités et de scripts Java  en un fichier texte facilement analysable.

En centralisant les informations clés dans un espace spécifique, le fichier LLMs.txt apporte ainsi une réponse concrète à cette problématique.

À quoi sert vraiment ce fichier ?

Depuis l’essor des IA génératives, les modèles de langage se sont nourris de contenus web sans demander l’avis de ses propriétaires. Le fichier LLMs.txt vise à rééquilibrer la relation, en donnant aux éditeurs la possibilité de définir les règles d’accès de l’IA à leur site.

Il pourrait notamment permettre :

      • De filtrer l’accès des IA selon les préférences de chaque site : autoriser certains modèles, en bloquer d’autres.
      • De proposer des versions spécifiques des contenus à destination des IA, de façon à faciliter le crawl.
      • D’instaurer un nouveau modèle de monétisation, en exigeant par exemple aux IA l’achat d’une licence pour l’utilisation des contenus.
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À terme, LLMs.txt pourrait donc devenir un outil de négociation entre les créateurs de contenu, les éditeurs de site web et les exploitants d’IA. Si ce scénario peut sembler encore éloigné, il est loin d’être irréaliste.

Pourquoi LLMs.txt est un enjeu stratégique pour le web ?

Reprendre le contrôle face à l’IA

Imaginez pouvoir dire à une IA : « Toi, tu as le droit de lire ce contenu. Toi, non. »

Avec LLMs.txt, cette logique devient techniquement possible. Ce fichier offre en effet un contrôle granulaire sur l’accès des modèles d’IA aux données d’un site, en tenant compte de leur finalité d’usage, leur fiabilité ou leur éthique.

Une telle capacité de filtrage représente un atout considérable pour les éditeurs, notamment les médias, qui cherchent naturellement à éviter l’exploitation non autorisée de leurs articles.

Développer une nouvelle source de revenus

À mesure que les performances des IA s’améliorent, la valeur des données qu’elles consomment augmente. Le fichier LLMs.txt pourrait donc ouvrir la voie à de nouveaux modèles économiques, fondés sur la licence ou le micro-paiement.

Concrètement, à l’avenir, un site web pourrait très bien offrir un accès libre à ses lecteurs humains, tout en exigeant une contrepartie financière de la part des IA génératives désireuses de puiser dans ses ressources. 

Une manière de reprendre la main sur la valeur créée.

Protéger ses contenus exclusifs

Pour les sites qui proposent du contenu exclusif — comme des formations ou des études de cas —, le risque que des IA viennent tout récupérer sans autorisation est bien réel. 

Grâce au fichier LLMs.txt, ces plateformes pourraient choisir précisément quelles IA ont le droit d’accéder à leurs pages. Une façon simple mais puissante de protéger leurs contenus à haute valeur ajoutée.

Quelle reconnaissance légale pour LLMs.txt aujourd’hui ?

Pour le moment, le fichier LLMs.txt n’est régi par aucun cadre légal. Il s’agit d’un simple standard développé par la communauté tech. De nombreuses questions restent donc en suspens.

      • Les crawlers IA respecteront-ils vraiment le protocole ?
      • Peut-on détecter a posteriori si une IA a ignoré le fichier ?
      • Et surtout : les gouvernements adopteront-ils une position commune sur ce sujet ?

En février 2025, lors du Sommet pour l’action sur l’IA de Paris, les autorités de protection des données anglaise australienne, coréenne, irlandaise et française ont réaffirmé leur engagement à clarifier les bases légales pour le traitement des données dans l’IA[1]. Cette décision s’aligne sur la politique menée par l’Union européenne. Paru au Journal officiel de l’Union européenne du 12 juillet 2024, le règlement européen sur l’intelligence artificielle (IA) vise notamment à garantir « un cadre juridique uniforme afin de faciliter les investissements et l’innovation[2] »

Sans grande surprise, le son de cloche est différent de l’autre côté de l’Atlantique. Aux États-Unis, l’administration Trump semble opter pour une politique moins interventionniste. En janvier 2025, le président américain a ainsi révoqué le décret exécutif du 30 octobre 2023 sur l’encadrement du développement et de l’utilisation de l’intelligence artificielle aux États-Unis. Mise en place sous Joe Biden, cette réglementation avait pour objectif de limiter les risques liés à l’IA en matière de sécurité et de transparence, mais également de soutenir un usage responsable et éthique de cette technologie. Elle a été vivement critiquée par les républicains, qui le considèrent comme un dangereux frein à l’innovation.

Entre appels à la régulation en Europe et liberté d’action revendiquée aux États-Unis, le destin du fichier LLMs.txt pourrait donc bien davantage dépendre du climat diplomatique que de choix purement techniques. Affaire à suivre.


[1] https://www.cnil.fr/fr/gouvernance-des-donnees-et-ia-cinq-autorites-de-protection-des-donnees-sengagent

[2] https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/292157-intelligence-artificielle-le-cadre-juridique-europeen-en-7-questions

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Olivier Valentin

Curieux, indépendant et légèrement obsessionnel, je suis Olivier Valentin. Voilà 10 ans que j’exerce cet étrange métier de rédacteur web SEO. Autant dire que dans la profession, je fais figure de dinosaure.
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